Le perfectionnisme : un obstacle insidieux dans la relation à l'alimentation

Anne-Laure Sanjullian

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Le perfectionnisme, souvent perçu comme une qualité dans une société où la performance est valorisée, peut devenir un véritable poison silencieux. Lorsqu’il s’infiltre dans le domaine de l’alimentation, il peut perturber durablement l’équilibre alimentaire et affecter le bien-être physique et mental. Derriere des comportements jugés « disciplinés » ou « sains » se cache parfois une rigidité excessive, une peur constante de mal faire et une grande souffrance.

Le perfectionnisme, qu’est-ce que c’est exactement ?

C’est une tendance à vouloir tout réussir parfaitement, sans laisser de place à l’erreur ou à l’imprévu. Il s’accompagne d’une forte autocritique, d’objectifs inatteignables et d’un besoin de contrôle permanent. Le perfectionniste croit qu’il doit tout faire à 100 % pour être « bien », « digne », « sain ». Ce fonctionnement peut se manifester dans tous les domaines de vie, y compris dans l’assiette.

Quand le perfectionnisme s’invite à table

Il peut se traduire par :

  • Une obsession pour la nourriture « propre » ou « saine » (clean eating).

  • Un rejet de tout aliment perçu comme « interdit » ou « mauvais ».

  • Des rituels rigides : peser chaque aliment, compter les calories, planifier chaque repas.

  • Une angoisse ou une culpabilité démesurée au moindre écart.

Cette façon de manger, bien que souvent applaudie par l’entourage pour sa rigueur, est rarement source de plaisir ou de lâcher-prise. Elle renforce plutôt l’idée que manger est une performance à réussir.

Les conséquences à long terme
  • Une perte de liberté : manger devient une tâche stressante, codifiée, voire source d’angoisse.

  • Un risque accru de troubles du comportement alimentaire : compulsions, orthorexie, restriction cognitive.

  • Un isolement social : refuser des invitations ou des repas partagés de peur de ne pas contrôler ce qu’on mange.

  • Une baisse de l’estime de soi : chaque écart alimentaire est perçu comme un échec personnel.

  • Un rapport dégradé au corps : vu comme un ennemi à maîtriser plutôt qu’un allié à écouter.

Des pistes pour sortir du piège
  1. Déconstruire ses croyances : Il n’existe pas une manière parfaite de manger. L’alimentation est personnelle, fluctuante et évolutive.

  2. Pratiquer la flexibilité : Introduire des zones de souplesse dans ses habitudes : un repas improvisé, un dessert sans culpabilité, un oubli sans drame.

  3. Travailler la bienveillance envers soi : Accepter que faire de son mieux ne signifie pas faire parfaitement.

  4. Redécouvrir le plaisir de manger : Goûter, savourer, partager, découvrir... Manger, ce n’est pas que nourrir un corps, c’est aussi nourrir une vie.

  5. Se faire accompagner : Une aide professionnelle (diététicien.ne, psychologue, accompagnement psycho-comportemental) peut être précieuse pour se libérer de ces schémas rigides.

Conclusion : Et si le mieux était l’ami du bien ?

Sortir du perfectionnisme ne signifie pas « tout lâcher » ou « mal manger ». Cela signifie retrouver un équilibre, où la santé cohabite avec le plaisir, l’écoute de soi et la souplesse. C’est accepter d’être humain, imparfait, vivant. Et c’est précisément ce qui rend l’alimentation durable, joyeuse et apaisée.