Le poids, c'est sans commentaire : un principe fondamental pour une relation saine avec son corps

Anne-Laure Sanjullian

3 min temps de lecture

Dans une société où l'apparence physique est omniprésente et souvent jugée, il devient urgent de repenser notre façon d'aborder le corps, le nôtre comme celui des autres. À chaque coin de conversation, les remarques sur le poids surgissent : « Tu as minci, bravo ! », « Tu as pris un peu, non ? », ou encore « Je me sens grosse aujourd’hui. » Ces phrases, banales en apparence, peuvent avoir un impact profond, parfois douloureux. Le mouvement "Le poids, c’est sans commentaire", initié par le groupe Équilibre au Québec, propose une véritable révolution silencieuse : et si on choisissait d’arrêter tout simplement de commenter le poids ? Ni en bien, ni en mal. Juste… sans commentaire.

Pourquoi faut-il arrêter de commenter le poids ?

1. Parce que le poids ne reflète ni la santé ni la valeur d’une personne

On a appris à considérer la minceur comme une qualité et la prise de poids comme un échec. Pourtant, le poids est le résultat d’une multitude de facteurs : génétique, environnement, niveau de stress, état hormonal, métabolisme, traitements médicaux, histoire personnelle, troubles alimentaires... Il ne dit rien, absolument rien, de la valeur, de l'intelligence, de la gentillesse ou du courage d’une personne. Et encore moins de ses efforts ou de son bien-être.

2. Parce qu'un commentaire, même plein de bonnes intentions, peut faire mal

Dire « Tu es magnifique, tu as maigri ! » semble flatteur, mais sous-entend que cette personne était moins bien avant. Cela renforce l'idée qu’il faut être mince pour être beau ou aimé. Inversement, une remarque sur une prise de poids, même glissée sur le ton de l’humour, peut être perçue comme une attaque. Ces petites phrases laissent des traces, nourrissent les complexes et fragilisent l’estime de soi.

3. Parce que cela alimente la culture de la minceur à tout prix

En commentant le poids, on perpétue une norme sociétale où la minceur est le but suprême, où chaque corps doit être jugé et où la santé est réduite à un chiffre sur la balance. On oublie que le bien-être passe aussi par le plaisir de manger, la relation à soi, la qualité du sommeil, le lien social et la santé mentale.

4. Parce que le poids est une donnée intime

C’est un choix personnel de vouloir (ou pas) parler de son poids. L’imposer dans la conversation, que ce soit avec une amie, un collègue ou un membre de sa famille, c’est franchir une limite qui n’a pas à l’être. Tout comme on ne commente pas les revenus ou la vie sexuelle d’une personne sans invitation, on n’a pas à commenter son corps.

Ce que cette phrase change au quotidien

Adopter la philosophie du "poids sans commentaire", c’est d’abord une décision personnelle, mais elle a un effet domino dans tous les domaines de la vie :

  • Dans les repas de famille : on évite les remarques du type "tu te ressers encore ?" ou "tu ne manges rien, tu es au régime ?". On parle du goût, de la texture, du plaisir de partager.

  • Au travail : on ne commente plus les changements physiques, même positifs. On préfère parler de projets, d’idées, d’objectifs communs.

  • Avec les enfants : on pose les bases d’une relation apaisée au corps, en parlant de ce qu’il permet de faire plutôt que de ce à quoi il ressemble.

  • Sur les réseaux sociaux : on choisit de ne pas glorifier les "avant/après" de poids, ni de féliciter la perte de kilos. On valorise les actions, les initiatives, les partages authentiques.

  • En tant que professionnel de santé : on s’attache à regarder la personne dans sa globalité, à s’intéresser à ses comportements, ses habitudes, ses besoins, plutôt que de juger sur un IMC.

Un acte militant... et bienveillant

Choisir de ne plus commenter le poids, c’est un petit geste, mais un grand pas vers plus de respect, d’empathie et de liberté. C’est permettre à chacun de se sentir vu pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il pèse. C’est aussi se libérer soi-même de la tyrannie des chiffres et des comparaisons.

En tant que diététicienne, c’est un message que je porte dans mes consultations et dans mon quotidien. Car oui, on peut parler d’alimentation, de plaisir, d’énergie, de santé digestive, d’activité physique, de rapport au corps... sans que le poids soit le seul baromètre.

Et si on essayait ? La prochaine fois que l’envie de commenter le corps de quelqu’un vous traverse... souriez, et pensez : "Le poids, c'est sans commentaire."